Archéologie

ArchéologieL’évangélisation de la Polynésie ainsi que la destruction massive des sites sacrés ordonnée par le Roi Pomare II suite à la bataille de Fei Pi en 1815 a fait sombrer dans l’oubli le plus total la religion païenne ainsi que certains lieux de culte païens. De nombreuses fouilles archéologiques récentes ont permis de découvrir et faire ressurgir du passé ces lieux sacrés comme les marae, les pétroglyphes ainsi que des statues des représentants d’ancêtres divinisés, les tiki. Malheureusement très peu d’objets de l’époque ont pu être retrouvés.

ArchéologieL’état de conservation de ces sites diffère. En effet, à certains endroits ces lieux sacrés ne sont qu’amoncellement de pierres recouvertes d’une abondante végétation. Le territoire et les communes de plus en plus impliqués dans la conservation du patrimoine culturel de la Polynésie tentent de restaurer toutes ces structures. Afin de visiter ces lieux dans les meilleures conditions, un guide local s’avère très utile pour obtenir une explication historique, celle-ci ne figurant que très rarement sur les lieux, même restaurés.

On retrouve ces sites archéologiques dans tous les archipels avec toutefois des différences sensibles quant à leur mode de construction et leur nombre. L’archipel des îles Marquises recèle un nombre important de ces trésors, chaque île de l’archipel constituant un musée à ciel ouvert. Les sites archéologiques des Tuamotu et des îles sous le Vent sont plus faciles d’accès car souvent construits en bord de lagon comme à Maupiti .

Les Marae (ou Meae en marquisien)

Nuku Hiva - Site de KouevaLes marae étaient des édifices sacrés ou des sites funéraires, de forme rectangulaire construits à l’air libre à l’écart des lieux fréquentés, sur lesquels étaient célébrées les cérémonies religieuses et sociales. La civilisation polynésienne étant de tradition orale, il est difficile de connaître avec précision le déroulement des cérémonies et des rites, tels que la célébration des dieux, l’intronisation d’un roi, les préliminaires de guerre, les sacrifices ou les funérailles ou encore tous grands évènements nationaux ou royaux… célébrés sur ces lieux sacrés et tabu (interdits) à tous profanes. Nous pouvons tout de même avoir un aperçu de certains d’entre eux au travers des écrits des explorateurs tels que Cook, Wallis ou Bougainville. Des reconstitutions de ces cérémonies sont organisées lors du Heiva (fête de juillet), notamment sur le marae Arahurahu de Paea.

Nuku Hiva - Site de KouevaLa construction des marae diffère selon les archipels et les îles, à l’exception de deux éléments que l’on peut retrouver dans chaque édifice : une aire rectangulaire, d’une longueur pouvant atteindre une cinquantaine de mètres et d’une largeur de 20 mètres, généralement pavée de pierres basaltiques ou de corail, entourée d’un mur et d’un autel ou ahu situé à une extrémité, la partie la plus sacrée réservée aux dieux et aux ancêtres. Le ahu pouvait être construit sur plusieurs niveaux, à l’image des pyramides, ou sous forme de monument bas et carré d’un niveau.

Jacques-Antoine Moerenhout, ethnologue du 19ème siècle, dans Voyage aux Iles du grand Océan, décrivait ainsi les marae « l’édifice lui-même était une sorte de parallélogramme allant en s’amincissant de la base au sommet ; il formait une sorte de pyramide. Il était fait de grosses dalles de corail retirées de la mer et taillées, de pierres de montagne basaltiques difficiles à façonner, et de gros galets de rivière dont la partie arrondie était placée à l’extérieur ; le tout s’emboîtant et se superposant parfaitement, sans qu’aucune sorte de ciment ait été employé. Trois ou quatre gradins ou degrés en faisait le tour. Ces édifices étaient fait pour durer des siècles.« 

Hiva Oa - site de TaaoaCook, après avoir décrit précisément la forme pyramidale du marae de Mahaiatea (aujourd’hui disparu, les pierres ayant servi à la construction d’un pont à la fin du 19ème siècle) relatait : « c’est une fabrique de pierre élevée en pyramide, sur une base carré, 267 pieds* de long et de 87 de large (…) Il y avait au milieu du sommet de cette masse une figure d’oiseau sculptée en bois, et près de celle-ci une autre figure brisée de poisson sculptée en pierre. Toute cette pyramide faisait partie d’une place spacieuse presque carrée, dont les grands côtés avaient 360 pieds de long et les deux autres 354 ; la place était environnée de murailles et pavée de pierres plates dans toute son étendue. (…) A environ cent verges à l’ouest de ce bâtiment, il y avait une espèce de cour pavée, où l’on trouvait plusieurs petites plates-formes élevées sur des colonnes en bois de 7 pieds de hauteur. (…) il nous parut que c’étaient des espèces d’autels, parce qu’ils y plaçaient des provisions de toute espèce en offrande à leurs dieux.« 
* 1 pied =30,48 cm

Des pierres étaient dressées devant le ahu servant de reposoir pour les dieux ou les maîtres de cérémonies. Au centre de la plate-forme on trouvait des tables recueillant les offrandes faites aux dieux (fruits ou animaux) ainsi que des pierres, servant de sièges et dont les dessins sculptés exprimaient un rang social déterminé.

Nuku Hiva - Site de KouevaDes stèles ou totem, unu, en bois sculpté de figures animales ou anthropomorphiques étaient à l’effigie des généalogies affiliées aux dieux du marae. Les objets, symboles religieux, ou ossements humains étaient placés dans de petites caches en pierre ou en corail nichées dans le marae.

Les marae étaient entourés d’arbres considérés comme sacrés tel que le banian, le aito, le miro ou bois de rose et le tamanu. Ces arbres abritaient des oiseaux, messagers des dieux et auxquels étaient donnés des offrandes.

Ces marae comprenaient également d’autres constructions comme le fare tupapa’u, accueillant le corps des défunts, le fare tahu’a, maison du prêtre …

Les marae étaient à l’image de la société hiérarchisée des polynésiens. De plus, certains étaient royaux et d’autres étaient des biens de famille. Ainsi, le plus grand marae est celui de l’île Raiatea, le marae Taputapuatea, coeur religieux et culturel de la Polynésie.

Les pétroglyphes

Pétroglyphes - Fatu HivaLa signification des pétroglyphes, dessins sculptés dans la pierre, n’est, à ce jour, toujours pas clairement décryptée. Les pétroglyphes les plus connus sont sur l’île de Tahiti et aux Marquises. Ils représentent souvent des tortues, des dessins géométriques ou encore des figures anthropomorphiques.

Pétroglyphes - Fatu HivaAinsi plus de 7000 pétroglyphes ont été recensés aux Marquises, îles qui abritent d’ailleurs les seules peintures rupestres trouvées en Polynésie. Sur l’île de Ua Huka, sur le site archéologique de Vaiki à ½ heure de marche de Vaipaee, on trouve une cinquantaine de pétroglyphes, dont un dessin de pirogue à voile. A Hiva Oa, près du village d’Atuona, dans la vallée de Takauku, se dresse une fortification de neuf étages en pierres massives dominée par un splendide mégalithe gravé de plusieurs pétroglyphes. Il est à noter que ce site présente d’étrange similitude avec ceux de Rapa Nui (nom polynésien de l’île de Paques).

Sur l’île de Raiatea, berceau de la civilisation polynésienne selon la légende, on a pu retrouver environ 300 pétroglyphes. Un nombre important de pétroglyphes est également visible sur l’île de Maupiti.

Quant à Tahiti, des pétroglyphes en forme de spirale gravés sur 3 pierres massives d’1m50 et espacées de 3m ont été retrouvés à l’emplacement de l’ancienne mairie d’Arue. La presqu’île recèle également de ces dessins inexpliqués. Le plus célèbre pétroglyphe de Tahiti a été retrouvé dans la vallée de Tipaerui, pétroglyphe représentant une silhouette double d’un être humain.

Les tiki ou ti’i

Dans ses écrits, Cook relatait « il y avait près de la pyramide une petite figure de pierre grossièrement travaillée; c’est le seul exemple de sculpture que nous ayons aperçu chez ces peuples (…)« .

Hiva Oa - site de IponaLe tiki est une sculpture, dont la signification et l’apparence sont encore très énigmatiques, entre art et religion, très souvent anthropomorphique. Sculpté dans du corail, de la pierre volcanique ou dans du bois, le tiki était parfois revêtu de tapa.

Les tiki ont une fonction religieuse et symbolique. D’une part, le tiki représente les ancêtres divinisés : selon la légende, Tiki serait le créateur de l’homme ; et d’autre part le tahu’a leur attribuait le pouvoir de pénétrer les victimes. Ainsi les polynésiens attribuent des pouvoirs ou mana, à ces sculptures qu’ils vénèrent et dont ils peuvent avoir peur.

Dieu de la génération, le tiki est aussi le patron des sculpteurs qui instituèrent un archétype de l’Homme idéal divinisé, dont les proportions particulières symbolisaient force, beauté, prospérité… Les caractéristiques de ces sculptures se traduisent par un corps divisé en trois parties de taille sensiblement égale dont les éléments communs sont le visage triangulaire, l’absence de cou, les bras collés au corps et les jambes courtes, sculptures plus ou moins fines en fonction du matériau utilisé et des archipels.

Ua Huka - Tiki au musée de VaipaeeLa tête du tiki, élément prédominant de la sculpture, symbolise la puissance qu’elle abrite, les yeux exprimant le savoir et le pouvoir surnaturel, alors que la bouche étirée, avec sa langue, ou parfois les dents que l’on peut apercevoir, marque le défi, la provocation lancée à l’adversaire. Ces tiki s’élevaient en général près d’un marae ou pouvaient également orner d’autres lieux ou objets tels que les pirogues. Ils étaient également source d’inspiration pour la création des motifs de tatouage.

La taille des tiki est variable, passant de statuettes à d’immenses statues. Le plus grand tiki, nommé Takai’i, d’une hauteur de 2,35 m, a été retrouvé sur l’île de Hiva Oa, sur le marae d’Oipona situé dans la baie de Puamau.

Sources :
Voyage aux Iles du grand Océan – Jacques Antoine Moerenhout
Voyage du capitaine Cook – Banks
Histoire de Tahiti – Ph. REY LESCURE
La découverte de Tahiti – Christian BUCHET
Ministère de la culture


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