Polynésie d’antan

Vie politique et sociale

Avant l’arrivée des européens, le territoire polynésien était divisé en chefferies dirigées par de puissantes familles dont le pouvoir était issu à l’origine par parenté avec les dieux. Ce système de contre-pouvoir garantissait un certains équilibre puisque aucune chefferie n’avait la suprématie sur les autres. Chacune d’entre elle était par ailleurs très hiérarchisée.

  • Le pouvoir politique était détenu par les ari’i, caste composée par les rois, les princes et les membres de leurs familles. Détenteurs de l’autorité sur une parcelle de l’île , ils avaient pour rôle de coordonner les échanges au sein de celle-ci et de contrôler la « politique étrangère », en cas de guerre avec les autres tribus notamment. Ils étaient par ailleurs des personnages sacrés, investis du mana, la force vitale.
  • Le pouvoir spirituel était détenu par les tahu’a, sorte de prêtres présidant les cérémonies organisées dans les marae au cours desquelles ils étaient assistés de ‘orero, hommes savants et grands orateurs. Les tahu’a étaient par ailleurs des artistes confirmés exerçant leurs talents en sculpture, tatouage…
  • Les ra’atira constituaient en quelque sorte la noblesse terrienne : détenteurs d’une grande autonomie, ils pouvaient exploiter leurs propriétés eux-mêmes ou les faire cultiver par d’autres.
  • Le manahune était ni plus ni moins que la plèbe. Cette caste de petites gens se divisait en plusieurs « sous catégories » selon les métiers exercés. Le seul espoir d’ascension sociale était de devenir un ‘arioi, sorte de courtisan choisis pour sa beauté et ses aptitudes à la danse.

Religion et pouvoir

Polynésie d'antantLa religion polynésienne pré européenne était basée sur des mythes et légendes. Transmis de génération en génération par les prêtres et les ‘orero au cours de grandes cérémonies organisées dans les marae, ils avaient pour but de démontrer le lien existant entre dieux et ari’i, légitimant ainsi leur pouvoir. Par ailleurs, ils avaient pour but de valoriser l’aristocratie et d’élever ses représentants au rang de héros.

Aussi les ari’i étaient-ils très exigeants à propos de ces cérémonies (naissances, mariages, enterrements, sacrement d’un roi…) afin de contenter les dieux et de s’assurer de leurs égards, synonyme de la continuité de leur pouvoir. Des sacrifices humains étaient même réalisés. Les offrandes et les prières quant à elles avaient pour but d’établir un contact avec les dieux.

Afin de pouvoir accéder aux lieux sacrés qu’étaient les marae, les participants, prêtres, ari’i et grands guerriers, devaient d’abord s’isoler afin de se purifier. Pendant toute la période des cérémonies, la société toute entière tombait sous le coup des tabu, interdits qui revêtaient l’apparence de véritables lois. Par conséquent, la religion polynésienne permettait tout à la fois de structurer et de hiérarchiser le sociétéet de mettre au jour de véritables normes sociales.

Symbolique mortuaire

Polynésie d'antantBien que la mort et l’au-delà ne soient pas appréhendés de la même manière d’un bout à l’autre de la Polynésie, il existe malgré tout des traits communs à tous les archipels. Ainsi, la mort était conçue comme la scission définitive entre le corps (tino) et l’âme (iho), ceux-ci se transformant respectivement en cadavre (tupapa’u) et en esprit (varua).

Polynésie d'antantD’autre part, tout comme chez les Egyptiens, une cérémonie mortuaire bien organisée était garante d’un voyage aisé vers l’au-delà. Aussi, si l’embaumement avait été mal exécuté ou si la cérémonie s’était male déroulée, l’esprit des morts pouvait hanter les habitants du district via le corps du « deuilleur », prêtre chargé en outre de la surveillance de la dépouille. Pendant toute la période des funérailles -qui pouvait durer plusieurs mois pour les plus hauts dignitaires- l’esprit du mort pouvait également délivrer un dernier message ou conseil, puis il libérait les vivants de ses tourments.

Médecine traditionnelle

La plupart des conceptions mythologiques expliquent que les végétaux furent créés avant les Hommes, mais la mythologie polynésienne raconte au contraire comment plantes, fruits et légumes jaillirent du corps des Hommes. C’est le cas du ‘uru par exemple dont le tronc est issu du corps d’un homme, les branches et les racines de ses membres, les feuilles de ses mains, le fruit de sa tête et la graine de sa langue.

Ainsi Hommes et végétaux entretiennent un lien particulier : crées par les Hommes, les plantes conservent la forme de l’organe dont elles sont issues et par conséquent contiennent le remède le plus approprié à le soigner. Par ailleurs, la maladie était considérée comme un fluide étranger causant un déséquilibre chez une personne ayant enfreint un tabu. Ainsi le tahua (prêtre) ne traitait pas que les symptômes de la maladie mais aussi l’esprit du malade. La guérison n’était donc assurée que si corps et esprit avaient retrouvé paix et équilibre.

Alimentation

Conservation par fermentation
La fermentation des aliments permettait aux polynésiens de faire des réserves durant les périodes d’abondance en prévoyance de périodes moins fastes. Ainsi de grandes quantités de fruits ou de légumes étaient entreposées dans de grands trous creusés dans le sol et pouvaient permettre à une famille entière de se nourrir pendant toute une année.
D’autre part, la fermentation permettait de détruire les substances toxiques rendant certains légumes impropres à la consommation.

Une fois fermentés, les fruits et les légumes pouvaient être préparés de différentes façons : en incorporant des produits frais puis en faisant cuire le mélange pour obtenir du mahi, en humidifiant puis en malaxant longuement les produits fermentés pour obtenir du popoi… dans tous les cas, du lait de coco pouvait être rajouté pour adoucir la préparation.

Pêche au caillou
Cette technique de pêche communautaire utilisée en lagon permet de prendre facilement une grande quantité de poisson et n’était donc organisée qu’à l’occasion de grands événements. Son nom vient du fait que plusieurs équipes de pêcheurs se chargent d’effrayer le poisson en frappant l’eau avec des pierres accrochées à une corde. Effrayés par cette agitation, les poissons perdent leurs repères et sont facilement rabattus vers la plage. Ils vont ainsi s’engouffrer dans le piège tendu par les villageois, une sorte de filet géant en palmes de cocotiers. Le filet est bientôt tiré vers la plage tandis que des pêcheurs attrapent le poisson au harpon.

Le four polynésien
La cuisson des aliments au four tahitien est une technique de cuisson à l’étouffée qui nécessite une longue préparation.
La veille du repas, un trou d’une taille proportionnelle à la quantité de nourriture à cuire est creusé dans la terre. Un feu y est allumé afin de chauffer à blanc les pierres volcaniques ou les morceaux de corail qui permettront de conserver la chaleur tout au long de la cuisson.
Le lendemain matin, on dépose tout d’abord des nattes afin de protéger les aliments du feu. Puis on dispose les différents ingrédients en couches successives : fruits et légumes (fei, ‘uru, taro, manioc, igname, patate douce…), porcelet entier (réservé autrefois à l’élite de la société polynésienne) et enfin mets les plus délicats tel que poe et poissons, enveloppés dans des feuilles de bananier. Enfin le tout est recouvert de feuilles de bananier et de terre et laissé à cuire pendant plusieurs heures.

Outils

Polynésie d'antantAvant l’introduction du métal par les Européens, les anciens polynésiens utilisaient pour la fabrication de leurs outils toutes les matières végétales, animales ou minérales dont ils disposaient sur place.
Ainsi ils utilisaient bois, bourre de coco et peaux ou encore coraux, coquilles, os et roches volcaniques qui avaient la vedette en raison de leur dureté et de leur poids raisonnable. On peut noter que sur les atolls où celles-ci n’étaient pas présentes, on avait probablement recours au troc avec les îles hautes où l’on trouve encore aujourd’hui la trace d’anciennes carrières et de galeries, comme celle de la vallée de Papeno’o à Tahiti : profonde de 9m, elle atteint les 4m de haut par endroits.

  • L’herminette était autrefois l’outil phare des travaux de construction, que ce soit en menuiserie ou, plus rarement, pour la taille de pierre. Le tenon et le tranchant étaient taillés d’une seule pièce dans un galet et la pièce était imbriquée dans un manche en bois. Enfin le tout était ligaturé avec une corde en bourre de coco. C’est aussi l’outil qui a le plus attiré l’attention des premiers Européens qui débarquèrent en Polynésie. En effet, le tranchant est orienté perpendiculairement au manche, contrairement à la lame de la hache.
    Pourtant, réservé à la construction, cet outil n’était utilisé que par une frange minoritaire de la population.
  • L’outillage le plus répandu était celui lié à la nourriture et aux vêtements. Ainsi les hameçons, fabriqués dans des coquillages, des écailles de tortue ou du bois, étaient un bien précieux puisqu’ils permettaient la subsistance de la population. Les lignes de pêche et les filets étaient confectionnées en torsadant des brins d’écorce ou de bourre de coco. Les nasses et les viviers étaient confectionnés avec des racines d’arbre. La préparation de la nourriture s’effectuait avec des couteaux, des grattoirs, des râpes ou des pilons fabriqués dans des matériaux durs tels que coquillages, corail ou pierre volcanique.

Pirogues

Il existait en Polynésie deux grands types de pirogues : des pirogues massives, souvent doubles, destinées aux grandes migrations ou à la guerre pouvant mesurer plus de 30 mètres et embarquer jusqu’à 300 personnes et d’autre part des pirogues plus maniables, de taille réduite et munies d’un balancier pour la pêche.

Polynésie d'antantPour des trajets plus longs, les seules pagaies n’étaient pas suffisantes, les deux types de pirogues pouvaient donc être enrichis d’une grande pagaie servant de gouvernail et de voiles triangulaires, fabriquées avec des feuilles de pandanus tressé, permettant une meilleure propulsion.

D’autre part, les pirogues pouvaient être construites de deux façons différentes selon les archipels. Dans les îles hautes où poussaient de grands arbres, les pirogues étaient creusées d’une seule pièce dans un tronc entier, tandis que dans les atolls où les grands arbres poussaient difficilement, on utilisait le bois de petits arbres débités en planches qui étaient par la suite « cousues » les unes aux autres. Des trous étaient pratiqués sur les bords des planches, on y enfilait des cordelettes en bourre de coco puis on calfeutrait les trous avec un mélange de sève d’arbre à pain et de bourre de coco.

Habitat

Polynésie d'antantLa construction des bâtiments d’habitation était intimement liée au religieux : pour s’assurer un bon résultat, les esprits devaient être consultés ou au moins prévenus des futurs travaux, pour l’abatage d’un gros arbre par exemple. Pour la construction de certains bâtiments plus sacrés, il était même recommandé de faire des prières et des offrandes.

Polynésie d'antantDans l’ensemble de la Polynésie, la plupart des habitations étaient bâties sur des plates-formes de pierre isolantes et chaque bâtiment avait une fonction bien spécifique : maison d’habitation, maison pour les dieux, hangar à pirogues… La charpente était bien souvent faite de troncs de cocotier, léger et ne nécessitant pas de préparation préalable (écorçage, ébranchage…). Les toitures quant à elles étaient fabriquées à partir de feuilles de cocotiers (niau) et de pandanus (fara) tressées, formant de véritables tuiles végétales. Le mobilier et autres effets personnels étaient assez limités : appui-tête en bois ou en pierre, plats en bois, nasses et paniers, nattes, instruments de musique ou de tatouage…

Tressage

Ne connaissant et n’utilisant ni le métal, la poterie ou le tissage, les anciens Polynésiens avaient mis au point des techniques de tressage très poussées permettant de répondre à tous leurs besoin. Les matières utilisées étaient exclusivement d’origine végétale : cocotier, pandanus, roseau et bambou et permettaient de fabriquer aussi bien des tuiles pour la couverture des fare, que des voiles pour les pirogues ou encore des nattes, des objets de parure, des chapeaux, des paniers, des éventails et autres chasse-mouches.
Cette activité était le plus souvent dévolue aux femmes qui sont devenues de vraies expertes en la matière, notamment aux Australes où le tressage a atteint une grande finesse.

Habillement

Avant l’arrivée des missionnaires à la fin du 18ème siècle, les Polynésiens étaient très légèrement vêtus, et ce quelle que soit leur rang social. Seule la qualité du travail et des matières premières différait. Tous les vêtements étaient confectionnés à partir de simples feuilles tressées faisant une sorte de jupe, ou à partir de végétaux transformés, tel le tapa.

Les vêtements les plus répandus étaient le maro, un simple cache-sexe, et le ‘ahu, une grande pièce de tapa dans laquelle les hommes se drapaient et que les femmes nouaient pour en faire un robe : en effet, aucun vêtement n’était cousu. Le célèbre pareu, lui, n’apparut qu’à l’arrivée des européens qui introduisirent le tissu en Polynésie. Il fut très vite adopté par les polynésiens qui arrangèrent cette pièce de tissu à leur goût, imaginant ainsi de nombreuses façons de le porter.

Ornements

Polynésie d'antantLa simplicité des vêtements portés par les polynésiens au jour le jour était sans comparaison avec les tenues qu’ils arboraient lors des grandes cérémonies. Aussi les polynésiens ont-ils poussé à son paroxysme l’art des ornements : coiffures d’apparat, diadèmes, colliers, boucles d’oreilles, chevillières… en nacre, os, dents, corail, coquillages, végétaux, bourre de coco, cheveux, poils et plumes !

Polynésie d'antantCette grande variété de matériaux ainsi que l’imagination et le talent des artisans ont permis la fabrication de splendides parures symbole de pouvoir et d’appartenance à une classe sociale donnée. Ainsi, une ceinture en plumes rouges était un symbole royal remis au souverain lors de son intronisation. Il existe par ailleurs de nombreux types de parures de tête de taille et de forme variée : de la plus simple faite d’un bandeau de tapa et d’une nacre, à la plus imposante telle le ta’avaha, une immense parure nécessitant pour sa fabrication 500 plumes de coq.

Enfin, les colliers destinés aux communs des mortels étaient fabriqués à partir de bourre de coco dont les fibres étaient travaillées et tressées de manière à obtenir un support sur lequel étaient accrochées nacres et autres dents d’animaux. Pour les colliers plus travaillés, on utilisait des cheveux tressés en cordelettes.


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