L’origine de la pratique du tatouage remonte à des centaines d’années dans le triangle polynésien. Elle existait probablement chez les migrants avant qu’ils ne s’installent en Polynésie. Les mots tatouage, tatoo et tattow (ancien anglais) sont dérivés du mot tahitien tatau (qui peut se traduire par « frapper de manière répétée ») qui désigne la pratique consistant à inscrire sur la peau des marques indélébiles.
Cette pratique était inconnue des blancs jusqu’à ce que Cook la rapporte en Europe après son voyage au Marquises : « ils impriment sur leurs corps des taches, suivant l’usage de plusieurs autres parties du monde, ce qu’ils appellent tattow » (Voyages du capitaine Cook, Banks). Omai, le premier tahitien a embarquer pour le continent européen avec le Capitaine Cook, devint rapidement connu notamment en raison de ses tatouages.
Par la suite, de nombreux navigateurs s’arretant dans les îles repartirent tatoués, de là naissait la tradition du tatouage des marins. Quant aux naufragés européens couverts de tatouages de gré ou de force dans les îiles du Pacifique Sud, ils furent surnommés les « Beachcombers ».
A leur arrivée, les Missionnaires convertirent la population locale au Christianisme et interdirent complètement l’usage du tatouage ce qui fait que la grande majorité des motifs ainsi que la technique même du tatouge furent à jamais perdus.
Signification
Le tatouage, pratique qui a traversée l’histoire de l’humanité, atteint une des formes la plus développées en Polynésie où il est appelé « langage des anciens » selon l’expression utilisée par Tapu Bonnet, le plus ancien tatoueur de la région.
Selon la mythologie, les deux fils du dieu Ta’aroa, Mata mata Arhu et Tu Ra’i po’, ayant trouvé cette pratique particulièrement décorative, en firent un usage abondant et l’enseignèrent aux hommes. L’écriture étant absente de la culture polynésienne, les polynésiens ont développé par cet art l’expression de leur identité, tant passée que future. De plus, le tatouage marque une fonction dans la hiérarchie polynésienne : différence entre les sexes, rang social, distinction entre les clans familiaux… ce qui aboutit à un nombre de motif extrêmement varié.
Outre le fait que le tatouage est un élément essentiel à la valorisation de l’homme, il était un moyen de protection contre les esprits maléfiques ainsi qu’un moyen de reconnaissance sociale. En effet, le tatouage était tout à la fois un rite initiatique pratiqué à l’adolescence, vers les 12 ans, et un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte. Lors de la fête de présentation de ses tatouages, aboutissement de sa formation et du processus de marquage des motifs, l’adolescent était pleinement admis dans le clan et reconnu par la communauté. C’était une étape obligatoire, un droit d’entrée dans le monde des Hommes.
Pratique
La pratique du tatouage, techniques et motifs, était soumise à des règles très strictes et l’art du tatouage était la prérogative des maîtres tatoueurs, profession hautement respectée demandant un long apprentissage.
A l’origine la marquage était effectué à l’aide de poinçons acérés. Puis l’encre indélébile était introduite sous la peau grâce à des peignes frappés par petits coups avaec un maillet. (photo 1) L’encre était en réalité de la suie obtenue à partir d’amandes de cocos brulées et diluée dans de l’huile de coco ou de l’eau tiède. Les peignes quant à eux étaient taillés dans de l’os ou fabriqués à partir de dents d’animaux (requin par exemple), de coquillages ou d’écailles de tortues.
Le dr ROLLIN décrivait une séance de tatouage de la façon suivante : « Généralement, le futur tatoué était immobilisé dans une sorte d’étau composé de deux troncs de bananiers entre lesquels il était tenu attaché fermement. Le tatoueur, accompagné de ses assistants, chantait en rythme avec ses coups de maillet un chant spécifique à cet événement. »
Ainsi du fait de son éloignement et de sa résistance à la culture occidentale, le style marquisien est le plus abouti du triangle polynésien et, par là même, le plus répandu et le plus prisé. Toutefois, il existait autrefois des différences de style importantes selon les archipels, notamment concernant les parties du corps et les motifs tatoués.
Le tatouage et les îles Marquises
Le tatouage est intrinsèquement lié à la culture marquisienne. Le corps des hommes, y compris le visage et la langue, pouvait être entièrement tatoué de motifs géométriques complexes, tandis que les femmes n’étaient en général tatouées que sur épaules, le bas du dos, les jambes, les mains et le contour des lèvres.
Les motifs d’une richesse exceptionnelle se rapportent aux éléments naturels tels que :
– les animaux (tortues, requins, raies, lézards ou oiseau tropical)
– les plantes (bambou, canne à sucre, palme de cocotiers, branches ou feuilles de pandanus…)
ou encore à l’activité pratiquée par le tatoué (pêche….). Néanmoins, le motif le plus répandu était, et reste, le tiki dont les multiples composantes (yeux, nez, mains…) pouvaient être utilisées séparément afin d’aboutir à un motif complexe et unique.
L’étude des motifs tatoués sur la majeure partie du corps des marquisiens permet ainsi de comprendre comment l’homme se positionnait dans la société et dans l’univers. Ainsi, le tatouage facial révelait l’appartenance à une tribu tandis que le lézard était tatoué sur le visage de l’homme d’un rang social élevé dans la hiérarchie marquisienne.
La femme quant à elle, avait l’obligation, à l’âge de 12 ans, de se faire tatouer la main droite afin de pouvior préparer la nourriture et la consommer avec les autres membres de la communauté.
Le tatouage et les îles de la Société
Wallis remarquait que « c’est un usage universel parmi les hommes et les femmes de se peindre les fesses et le derrière des cuisses avec des lignes noires très serrées qui représentent différentes figures ». Dans les îles de la Société, le corps était revêtu de motifs sous la forme d’un Z et le visage n’était jamais tatoué. C’est d’ailleurs ce qu’avait remarqué Banks « les hommes et les femmes portent ordinairement une de ces marques, dans la forme d’un Z, sur chaque jointure de leurs doigts du pied, de la main, et souvent autour du pied. Ils ont d’ailleurs tous des carrés, des cercles, des demi-lunes, et des figures grossières d’hommes, d’oiseaux, de chiens ou différents autres dessins peints sur les bras et les jambes. (…) ils ne peignent pas leur visage et nous n’avons vu qu’un seul exemple du contraire ».
Les motifs les plus tatoués sont des formes géométriques telles que les cercles, rectangles… Les motifs représentants des animaux ou des plantes étaient, contrairement aux Marquises, réservés aux hommes. Banks remarquait que la partie du corps la plus tatouée dans les îles de la Société était les fesses.
La pratique du tatouage a disparu beaucoup plus rapidement à Tahiti que dans les autres îles de la Polynésie.
Le tatouage et les autres archipels
Dans les Tuamotu, il est apparu que seul les hommes des tuamotu ouest pratiquaient le tatouage. Les mains des femmes, ainsi que les épaules bras, jambes et fesses étaient revêtus de motifs géométriques sous forme de bandes alors que le corps des hommes, ainsi que leur visage, étaient couverts de motifs irréguliers, les triangles et les damiers étant réservés aux guerriers valeureux.
Aux Australes, le tatouage diffère peu de celui des îles de la Société, les motifs étant essentiellement composés à partir de bandes parallèles dentelées, reproduction des motifs des tapa qu’ils confectionnaient. Quant aux Gambiers, le tatouage était obligatoire pour les hommes et trés peu répandu chez les femmes. Les Mangaraviens portaient tous un motif trés particulier à savoir un cercle tatoué au dessus des aisselles et dans le dos, cercle noirci chaque année pour faire apparaître une croix à l’intérieur.
Le tatouage aujourd’hui
Après avoir été interdit par les missionnaires, l’art du tatouage ne réapparaîtra que dans les années 80 grâce aux notes et aux planches du missionnaire Karl Von Steinen reproduisant plus de 400 motifs, les techniques et motifs des anciens ayant été oubliés depuis longtemps !
Il existe aujourd’hui de nombreux tatoueurs dans toutes les îles de la Polynésie. Les motifs les plus prisés sont le tiki, la tortue, le lézard (margouillat), la raie ou encore les nombreux motifs marquisiens. Le premier festival international du tatouage organisé sur « l’île sacrée » de Raiatea en avril 2000 a réuni plus de 50 maîtres-tatoueurs de réputation internationale et connu un énorme succès. Depuis, le festival Tatoonesia a été créé et rassemble chaque année des tatoueurs Polynésiens et étrangers.
Si vous souhaitez vous faire tatouer lors de votre séjour en Polynésie, voici une liste non exhaustive de quelques tatoueurs qui pourront répondre à vos attentes :
Lovistatoo (Moorea)
Tel : +689 56 12 90
e mail : lovisatattoo@mail.pf
Site internet : www.lovisatattoo.com
Mana’o Tattoo Studio (Tahiti)
Tel : +689 42 45 00
www.manaotattoo.com
Tagaloa Tattoo (Tahiti)
Tel : +689 73 19 58
www.tagaloatattoo.com
Akoti Tattoo
Tel: +689 20 28 35
Efraima Huuti
Tel: +689 79 64 71
Eric Tattoo
Tel: +689 71 86 52
Taaroa Tattoo
Tel: +689 79 66 65
Tiki Tatau
Tel: +689 77 19 18
Wal’s Tattoo
Tel: +689 71 14 35
Sources :
abrégé d’histoire de Tahiti PH. REY LESCURE
Voyages du Capitaine Cook, BANKS
La découverte de Tahiti, Christian BUCHET
Les iles Marquises, Dr ROLLIN
Polynesian Tatto past and present, GOTZ
merci à Polynesian Tattoo – Past & Present